C’était l’exploration post-confinement, celle que nous nous étions promis de faire il y a de longues semaines, celle du vignoble de Saint-Pourçain, notre voisin immédiat. Ce vignoble fait partie du Val de Loire (65 appellations), c’est un vieux vignoble de 600 hectares ; comme bien d’autres, le phylloxéra a eu raison des vignes puis le vignoble a resurgi, jusqu’à l’AOC en 2009. Le vignoble s’étend sur 19 communes, souvent le long de l’Allier.
Deux domaines nous ont accueillis à bras ouverts, l’un au nord de l’appellation de Saint-Pourçain, Les Terres d’Ocre, l’autre plus à l’ouest, l’un nouveau , âgé de quelques années, l’autre longtemps seul porte-flambeau de l’appellation, Denis Grobost-Barbara.
Il y a 3 terroirs différents, sableux argileux issus de vieilles terrasses de l’Allier, granitique et quelques argilo-calcaires vers Saint-Pourçain. Trois cépages marquent sa proximité avec la Bourgogne et le Beaujolais, et le vignoble a un cépage exclusif local : en blanc : le chardonnay et le tressallier, limité actuellement à 30% des assemblages mais qui devrait progressivement monter en puissance, en rouge : le gamay et le pinot noir.
18 vignerons indépendants et 1 cave coopérative qui fait 60% des volumes.
Ce sont Les Terres d’Ocre qui ouvrent le bal, le domaine a quitté la coopérative en 2013, avec 8 ha au départ, et environ une quinzaine aujourd’hui, avec une démarche biodynamique enclenchée très vite avec une recherche de qualité qui l’amène par exemple à vendanger le tressallier en deux fois..
- Nous avons commencé la dégustation par les blancs, avec l’instant T 2018, une attaque vive, une jolie rondeur en bouche et une finale saline, un bon rapport prix plaisir. Les Cailloux 2018 (IGP 100% tressallier) met à l’honneur le cépage autochtone et est élevé en œuf de béton et jarre en terre, a un très beau nez plus complexe, avec un côté cire d’abeille, une tension qui structure la bouche avec du volume, et là aussi une finale saline.
- En rouge, l’instant T à majorité de gamay sur terroir granitique est sur un fruit croquant, avec une bouche structurée, un vin très agréable, que je trouve supérieur à son homologue blanc. Les cailloux 2018 (IGP) sont eux 100% pinot noir, en élevage cuve, le nez est concentré, la bouche ample, avec des tanins fondus qui la charpentent, un très beau vin.
- Nous terminons par les deux lectures haut de gamme de Saint-Pourçain, le rouge Les Ardeilles 2015 (Saint-Pourçain) , qui présente un nez confit, une bouche élégante et soyeuse, à son apogée, un très beau vin pour se faire plaisir cette année. Le Blanc Les Gravoches 2015 (Saint-Pourçain) est pour moi à classer dans les grands vins : un nez très aromatique sur les fruits (pomme et poire cuite au nez), avec une très grande ampleur, de la longueur et une finale saline.
Au final, le domaine présente des vins homogènes en qualité, avec pour moi une légère supériorité des blancs.
Quelques kilomètres vers le sud-ouest nous amènent chez Denis Grobost-Barbara, vraie star locale qui a beaucoup fait pour promouvoir le potentiel de l’appellation : c’est un petit domaine de 8.5 ha, en majorité argilo-calcaire, et quelques sols granitiques : le chardonnay et le tressallier sont souvent complantés.
Le vigneron a une vraie réflexion sur sa vinification, avec la recherche d’expression sans forcer par des extractions poussées.
- La dégustation débute par les deux vins rouges du domaine, la chambre d’Edouard 2018, à majorité pinot sur sols argilo-calcaire, très beau nez, intense, un vin structuré et corsé, taillé pour la garde à mon sens, et Les Ferneaux, un 100% gamay sur terrain granitique, encore un cran au dessus, que j’ai humblement pris pour un 100% pinot noir !
- La dégustation des blancs commence par le brut zéro 2018, une méthode traditionnelle sur la pomme acidulée, lui aussi en 100% gamay, une bouche très « agrumes » et une finesse digne d’un très beau champagne !
- Le centre de la dégustation a porté sur les blancs tranquilles, avec une progression en complexité et intensité tout au long des 5 cuvées: Le vin d’Alon 2018 ouvre le bal, une attaque franche mais enrobée autour d’un côté cire, une jolie bouche et une finale tendue. La cuvée SAS Charles Henri de Lobkowicz 2018 présente un très bel équilibre, j’aime beaucoup ce vin. Le clos Jacques Chevalier 2018 est une parcelle complantée avec un peu de pinot gris (vin de France)et un élevage fut, c’est aussi un très beau vin, au nez floral. Le quarteron 2018 qui ajoute aux deux cépages locaux le pinot gris et le sauvignon est encore au-dessus des précédents, avec un nez plus exotique, sur la mangue, avec une bouche à la fois tendue et enrobée. Les Maltotes 2018 à 50/50 tressallier et chardonnay clôture la dégustation, en catégorie « grand vin », par la complexité, l’allonge : c’est l’un des plus beaux blancs que j’aie bus. La dégustation d’un Maltotes 2017 et d’un SAS 2015 confirment le potentiel de garde des vins.
Au final, ces deux domaines représentent bien le renouveau de ce vignoble, par une recherche de qualité qui permet aux vins de rivaliser avec de glorieux voisins. Globalement, ce sont les blancs qui m’ont vraiment marqué par leur qualité, même si le plaisir ressenti avec les rouges est grand.
